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Une pour toutes, toutes pour une: la grève féministe et des femmes*

Mathilde Marendaz, 12.06.2019

« J’ai pas besoin de faire la grève, parce que moi… j’ai réussi ma carrière professionnelle, je ne me suis jamais fait harceler par des hommes, j’ai toujours eu ce que je voulais…»

 

À l’approche du 14 juin, force est de constater que reviennent souvent ces propos, dans la rue ou dans les opinions de certains journaux. La grève ne serait pas utile pour progresser sur le chemin de l’égalité. Un discours qui impose des questionnements: pourquoi faire une grève, quand on peut se battre au quotidien? Est-ce que l’on organise une grève pour changer son propre destin, ou fait-on grève pour transformer un système qui objectivement affecte la majorité des femmes à travers le monde ? 

 

Les faits sont indiscutables! 

Car en effet, les faits sont là,  ils sont documentés : les femmes subissent des oppressions dans toutes les sphères de la société : au foyer, au travail, à l’école dans la rue, encore aujourd’hui. En Suisse par exemple, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes, effectuent 53 heures de travaux domestiques et familiaux par semaine contre 29 heures pour les hommes, la représentation politique est largement inégale (30% de femmes au parlement national et 13% aux Etats), les violences sexistes et sexuelles tuent : 1 femme est tuée par son partenaire chaque semaine, 1 femme sur 10 a été victime de violences sexuelles.[1 ]Le phénomène #MeToo en 2017 avait bien révélé comme les violences sexistes et sexuelles ne relèvent pas de simples cas isolés, mais qu’il s’agit bien d’un problème structurel, vécu au quotidien par des millions de femmes. 

 

Combat collectif contre un phénomène structurel 

Ces inégalités perdurent donc, et apparaissent comme un problème majeur à l’échelle collective. Au vu de l’ampleur structurelle de ces inégalités, il semble que tous les efforts individuels demeurent insuffisants pour opérer les changements globaux dont on a besoin. C’est là toute la valeur et la beauté de ce mouvement collectif: une grève, puissant vecteur de rassemblement, précieux outil politique qui fait monter à la surface ces phénomènes sociétaux, en fait prendre conscience, qui permet d’être plus fortes pour les combattre et faire advenir de grands changements. En 1971, le droit de vote n’a pas été acquis en silence : il a été le fruit d’une bataille et d’une organisation collective des femmes*, pour leurs droits. Nous nous battons aujourd’hui pour l’Histoire de toutes, pas pour notre seule histoire personnelle, voire insignifiante. 

 

Tant de raisons de faire la grève!

Les histoires de tant de femmes*, c’est en effet tant de raisons de faire la grève :

-      Pour l’égalité salariale, enfin

-      Pour un congé parental partagé, égalitaire entre femmes et hommes

-      Pour un féminisme à tous les étages : en effet, dans de nombreux cas, les femmes  qui ont pris le chemin d’une carrière professionnelle ont délégué les tâches ménagères non pas aux hommes* mais  souvent à d’autres femmes plus précaires, par exemple les femmes migrantes[2]

-      Pour la valorisation du travail de care, de la garde des plus petits au soin des proches avec des problèmes de santé spécifiques : un travail encore majoritairement effectué par des femmes, et pourtant non reconnu ni rémunéré

-      Pour les femmes dans les pays moins riches, souvent garantes du travail agricole qui sera directement affecté par un environnement de plus en plus hostile, des drames climatiques et des sécheresses sans précédent[3], alors que les responsables du réchauffement climatique se trouvent dans notre système économique exploitant sans limites la planète et les plus précarisé-e-s

-      Pour nos droits fondamentaux, et celui de disposer librement de nos corps, puisque c’est encore remis en question aujourd’hui, quand par exemple l’Alabama vote pour une loi des plus répressives contre l’avortement[4]

-      Contre le harcèlement et les violences sexistes, verbales ou physiques

-      Pour un soutien aux femmes âgées, avec des retraites équitables, puisque les femmes âgées d’aujourd’hui subissent les inégalités d’hier face à l’emploi et aux salaires

... Et pour mille autres raisons, parce qu’il y en a autant qu’il y a d’individus : s’il y en a une ou plusieurs qui vous touchent, par solidarité avec les femmes* d’ici et d’ailleurs, sortez dans la rue le 14 juin pour joindre votre voix à ce grand mouvement historique, pour faire entendre les voix de toutes. Il y a tant de raisons de faire la grève !

 


[1]https://frauenstreik2019.ch/statistiques/

[2]https://lecourrier.ch/2019/05/31/legalite-a-tous-les-etages/

[3]Géraldine Terry (2009) No climate justice without gender justice : an overview of the issues, Gender & Development, 17:1, 5-18

[4]https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/15/l-alabama-vote-la-loi-la-plus-repressive-des-etats-unis-sur-l-avortement_5462285_3210.html

Über den Autor

Mathilde Marendaz

Secrétaire politique / coordinatrice romande Jeunes Vert-e-s Suisse

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