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Pas de libéralisation des horaires de travail ! Nein zum 24 Std Arbeitstag !

Ilias Panchard, 20.03.2013

 

« Travailler plus pour gagner plus ! ». La formule, désormais célèbre, en a motivé plus d'un à aller voter dans l'espoir de laisser place à des fins de mois moins difficiles. Souvenez-vous, il y a six ans, en pleine campagne présidentielle française. La lutte s'annonce serrée, Nicolas Sarkozy, à l'instar de sa rivale, est prêt à tout pour l'emporter. La formule-utilisée auparavant par d'autres hommes politiques-a été l'un des éléments clés dans la campagne du candidat UMP. Elle a touché le cœur du problème de nombreux citoyens français : la baisse du pouvoir d'achat. L'idée était toute trouvée, il suffisait de défiscaliser les heures supplémentaires et de mieux les payer. Le remède aux problèmes des travailleurs français était sur la table, il leur suffisait de travailler plus pour gagner...chaque chose en son temps. La réponse ne devait venir qu'après l'élection, logique vous me direz. La réponse est arrivée, le bouclier fiscal aussi.

Par cet élément de programme, les différences de repères historiques entre la gauche et le droite française ont sautés aux yeux. L'attaque en règle contre l'héritage social des évènements de mai-juin 1968 a, pour ainsi dire, très mal passé à gauche. Faisant aussi ressortir les clivages politiques entre ses composantes (socialiste, écologiste et communiste), toutes construites, d'une façon ou d'une autre, sur un héritage des mouvements contestataires de l'époque. Mais là n'est pas la question.

Chez nous aussi, les différences politiques sont bien visibles à travers certains thèmes de société. En particulier celui de l'emploi, des conditions de travail et de la défense des acquis syndicaux. À propos des conditions de travail, une motion déposée par le conseiller national libéral genevois Christian Lüscher, un des chantres de la libéralisation à tout prix, a été acceptée par la majorité de droite du parlement et a donc amené à une modification de la loi sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi du 13 mars 1964). L'article 27, alinéa 1 a été modifié comme suit :« Les magasins des stations-service qui sont situés sur les aires des autoroutes ou le long d’axes de circulation importants fortement fréquentés par les voyageurs et dont les marchandises et les prestations répondent principalement aux besoins des voyageurs peuvent occuper des travailleurs le dimanche et la nuit. ».

Ainsi la modification concerne, apparemment, les stations-service très fréquentés et rendra rendre service à quelques voyageurs-consommateurs, aux dépens du rythme de vie des employés de ces mêmes stations. La liberté de consommer à tout moment n'est pas plus importante que la santé et la vie sociale des employés du commerce de détail. Notre pays est-il prêt à sacrifier le dimanche de congé et à généraliser le travail de nuit pour simplement palier à des facilités d'achats occasionnels ?

En lisant plus attentivement, nous remarquons que la modification ne concerne pas que les autoroutes et ouvre la voie à des libéralisations dans d'autres « cas particuliers ».Elle concernerait aussi, en cas d'échec du référendum lancée par la gauche et les syndicats (traité ci-dessous), les « axes de circulation importants ». La notion reste très vague et pourrait ouvrir la boîte de Pandore à de nouveaux élargissements des horaires d'ouverture, ce qui ne déplairait sûrement pas aux chantres de la libéralisation, bien au contraire.

En somme, la mesure risque de concerner bien plus de stations-service que ne l'affirmait Christian Lüscher lui même (5-6 stations-service concernées selon ses dires télévisés...). La « tactique du salami » utilisée ici est très clair : libéraliser les horaires de travail au fur et à mesure en faisant passer l'amère pilule petit à petit. Leur but est d'arriver à une libéralisation plus globale, dans l'optique de toucher l'entier du commerce de détail. Les syndicats ne sont pas dupes et combattrons, avec le soutien de la gauche, chaque atteinte au droit du travail, en premier lieu dans ces domaines où les salaires sont faibles, les CCT peu solides et les conditions de travail difficiles !

Suite à l'acceptation de cette modification par l'assemblée fédérale en décembre de l'année passée, l'outil référendaire a été actionné par la gauche sous la bannière de « l'alliance pour le dimanche », nouvellement formée. L'alliance regroupe principalement le PS, les Verts, le syndicat Unia, Travail Suisse, l'Union Syndicale Suisse, l'association du personnel de la Confédération et la société suisse de médecine du travail (liste complète sur le site de l'alliance pour le dimanche).

Le référendum s'appuie sur une base de départ solide, la population Suisse ayant, dans l'immense majorité des cas, refusé les libéralisations des horaires de travail dans différents cantons. Souvent de manière très claire. Cette année encore, les citoyens suisses vont très probablement refuser cette nouvelle tentative de libéralisation des horaires d'ouverture des magasins.

Cette motion de Christian Lüscher risque d'engendrer de nombreuses conséquences néfastes. Je pense tout d'abord aux travailleurs concernés qui devront travailler de nuit et le dimanche. Revenons aussi sur l'argument, avancé par certains élus de droite, comme quoi seuls les volontaires suivront ces horaires. Il est indéniable que les gérants des stations-service imposeront ces horaires à tout leur personnel en priant les opposants de prendre la porte et, pour palier les licenciements, ils engageront ceux qui veulent travailler dans ces conditions encore plus difficiles. La mesure risque ainsi de laisser place aux licenciements abusifs.

De plus, les conditions de travail dans le commerce de détail sont déjà assez difficiles, à bien des égards : travail stressant, pression quotidienne, salaires en dessous de 4000.- pour un temps plein ainsi qu'une faible protection en cas de licenciement. J'ajouterai que cette mesure risque d'entraîner d'autres secteurs vers des horaires de nuit, tels que la sécurité, le nettoyage ou encore la livraison. Précisons aussi que cela n'augmentera bien sûr pas le pouvoir d'achat des consommateurs et ne servira qu'à favoriser les stations-service « performantes », aux conditions de travail déjà difficiles.

La réflexion doit bien sûr se faire par rapport au modèle de société que nous voulons construire ensemble. La consommation fait partie de notre vie, mais nous ne devons pas en devenir prisonniers et trop dépendants. Une société du tout « tout de suite » et à tout moment n'amènerait que des problèmes, en matière de pollution, de bruit et de conditions de travail. De plus, nous risquons de voir les (derniers) magasins de proximité déserter nos villes, au détriment des temples de la consommation, situés en périphérie des villes et accessibles seulement en voiture.

Évidemment, n'oublions pas les conséquences politiques de ces mesures. La première se cristallise par le référendum en cours (délai référendaire : 7 avril 2013) qui, une fois les signatures récoltés, sera soumis aux citoyen-ne-s, probablement à l'automne. D'un autre côté, suite à ces mesures, des libéralisations plus larges seront proposées par les partis. Cela a déjà été le cas cette année. En effet, les Verts libéraux, tout en critiquant les conséquences environnementales de l'élargissement des horaires d'ouverture des stations-service, ont proposé d'étendre la mesure à tous les commerces et services d'une superficie inférieure à 120 m2 ! Par souci de concurrence déloyale face aux petits commerces disent-ils. En sachant pertinemment, comme le gouvernement l'a mentionné, qu'une grande partie de ces commerces sont déjà exemptés de l'interdiction nocturne et dominicale. Heureusement, cette mesure a été rejetée par le Conseil Fédéral qui a souligné le caractère ciblé de ces mesures (stations-service, tourisme). Le risque principal est de voir des libéralisations exigées pour palier à une « concurrence déloyale » engendrée par de premières libéralisations. Pour contrer cette logique infernale, le référendum en cours, couplée à une campagne d'information générale, sont les seuls moyens de faire entendre la voix de la raison.

Le plus ridicule à mes yeux est le manque de courage et d'honnêteté politique de la part des adeptes du libéralisme économique. En politique, nous nous devons de défendre et de faire avancer nos idées de manière démocratique et critique. Ces élus doivent donc assumer publiquement leur dogmatisme libéral, les décisions se feront ensuite à l'aide des outils démocratiques.

Je terminerai en soulignant l'importance du référendum et de l'après votation, quelque soit l'issue référendaire. En plus du vote, nous devons rester vigilants car de nombreuses mesures risquent d'être acceptées discrètement, tels que l'ouverture plus généralisée au travail du dimanche. D'autres tentatives mesquines pour étendre la modification à tout le commerce de détail risquent d'arriver, et ceci, probablement par la porte arrière...

Certains parlementaires se veulent les grands défenseurs des droits des consommateurs à travers ces mesures. Mobilisons-nous derrière ce référendum pour combattre cette mesure et montrons que les consommateurs ne veulent pas de ces libéralisations, qui ne font que du tort au vivre-ensemble helvétique, déjà menacé par des attaques parlementaires dans le domaine de l'asile. 

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Über den Autor

Ilias Panchard

Co-Président Jeunes Vert-e-s Suisse (2013 - 2016)

Intéressé par la politique depuis mon plus jeune âge, j'ai passé le pas au début de l'année 2012 en m'engageant chez les Jeunes Verts. La révision de la loi sur l'asile, votée en septembre 2012, et le référendum lancé par les JVS a été le déclic de mon engagement politique : ce n'étai...

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